Ratanakiri, kiri, kiri!
Encore un titre très mauvais emprunté à Séverin (voir l’épisode dans la jungle)… Dimanche, c’est donc le départ pour le nord du Cambodge, le Ratanakiri, une région plutôt peu visitée, poussière et jungle au programme.
Le départ est un peu précipité, on a loupé le réveil : Marie et moi avons profité de notre dernière soirée dans la capitale pour goûter à la nightlife cambodgienne. Accompagnées d’un Australien et d’un Autrichien rencontrés à notre guesthouse, nous avons commencé par un bar en bordure de la rivière. Là, nous avons pu apprécier toute la connaissance des Cambodgiens dans un domaine qui nous tient particulièrement à cœur en tant que Françaises, le vin. Nous commandons une bouteille de Syrah australien de 2002 (pas mon choix, évidemment, je n’aime pas le vin australien…). On nous apporte une bouteille de 2008, et quand on réclame, le serveur est super étonné : c’est pourtant bien le même nom de vin ! Et quand Marie tente de lui expliquer, il remarque que sur la bouteille, il y a écrit 1932, année du démarrage de l’exploitation en fait, et tente de la convaincre que le vin est donc un millésime de cette année-là ! Grosse rigolade, petite ristourne sur la bouteille, puis nous partons pour la seule boîte dont j’ai retenu le nom, le Heart of Darkness, repaire de la jeunesse dorée de Phnom Penh, accompagnée de ses gardes du corps. Niveau musical, ils sont en retard de 20 ans, mais les Cambodgiens ont le rythme dans la peau, et dansent en agitant bras et jambes dans tous les sens, et en trinquant toutes les 30 secondes. Différentes mœurs qui nous font bien rire : ici, le top, c’est les bières servies sur un lit de glace dans un seau à champagne, accompagnées de Pringles étalées de façon très élégante sur une assiette : en deux mots, la grande classe ! Après quelques heures assez décalées, nous quittons la boîte mortes de rire, très en forme, et rentrons toutes les deux à l’hôtel, sans nos compagnons de sortie qui ont trouvé de quoi s’occuper à l’intérieur.
Le lendemain donc, on se réveille à la dernière minute pour prendre le bus pour Ban Lung, et quel bus : nous étions un peu en retard, mais pas de souci, il manque du monde, on attendra un peu avant de partir. Et en route, nous avons droit à une démonstration de « Comment rentabiliser un trajet de douze heures de bus » : on charge des gens, des kilos de fruits, des morceaux de bois, et on finira même le trajet avec deux mobylettes dans le fond du bus, sur lesquelles sont perchées les quelques Cambodgiens qui n’ont pas eu de chaise en plastique pour se mettre au milieu. Trajet d’enfer, malgré la gentillesse de nos voisines qui nous nourrissent de graines de lotus et de tamarin frais : il fait chaud, lourd, les effets de la soirée de la veille se font sentir, il n’y a pas un centimètre carré non exploité dans le bus, et juste avant d’arriver, l’embrayage lâche : on finit par une heure de piste rouge défoncée en première, seule vitesse que notre conducteur a réussi à enclencher. Arrivées à Ban Lung, on se fait emmener à la Tree Top Guesthouse recommandée par mon père, et là, un détail se rappelle à notre bon souvenir : on est le 14 Février, date de la Saint Valentin, mais aussi du Nouvel An chinois, bon prétexte pour augmenter le prix des bungalows de 50%. Et comme le premier jour de l’année donnera le ton pour les 365 jours à venir, pas question de travailler, car sinon, c’est promesse d’une année de fatigue. On est donc chargé plus pour un service minimal, que du bonheur ! Nous sommes abordées par un chauffeur de moto qui nous propose de nous emmener visiter les environs le lendemain, on n’a pas trop de temps donc il faut se décider, et on se met d’accord pour une journée avec son frère et lui pour visiter lac et cascades alentours.
Départ donc pour la première cascade de la journée. Et là, Nouvel An chinois oblige, c’est blindé de Cambodgiens qui font la photo de famille, parés de leurs plus beaux atours. Tous les sites que nous visiterons ce jour-là, qui doivent être en temps ordinaire quasiment déserts, sont d’ailleurs noirs de monde, les familles cambodgiennes passant leur journée au bord de l’eau à faire des barbecues et à boire des bières pendant que les gamins s’amusent dans l’eau. Journée sympa, ambiance jour férié local, des gosses, des sourires, une ballade à dos d’éléphants, des cascades, des noix de cajou grillées sur le feu, des dégustations de produits locaux offerts par nos guides au milieu du marché le plus sale que j’ai jamais vu, encore des cascades, une baignade dans un lac volcanique au milieu des petits cambodgiens qui s’en donnent à cœur-joie… Sur le chemin, on retrouve Séverin, un Français rencontré dans le bus la veille, qui nous propose de nous joindre à lui pour partir passer trois jours dans la jungle. Vendu, on voulait le faire, il a déjà pris toutes les infos à l’agence, on n’a plus qu’à accepter et à payer.
Rendez-vous à l’agence le lendemain, on sera finalement quatre : nous partons avec Monica, une Polonaise à l’air peu avenant. Et c’est parti pour trois heures de moto vers le point de départ. Ce qui est cool, c’est qu’au Ratanakiri, il n’y a quasiment pas de route, mais de la piste, rouge et poussiéreuse. Et il fait chaud, donc on sue à grosses gouttes. Combo gagnant : trois heures en moto, et on est recouvert d’une couche de crasse brune, sachant qu’on ne peut pas se doucher pendant trois jours. Pour limiter les dégâts, on fait ce qu’on peut, et ça donne un petit air de, au choix, braquage de banque au bout du monde, ou vacances en Afghanistan… On arrive au village d’où l’on va commencer à marcher, et là, on fait la connaissance de notre guide de la jungle, qui vient en renfort de notre guide anglophone Lina. On n’a jamais su son nom, on l’a appelé Jungle Man pendant trois jours. Première discorde dès le départ : Monica veut dormir au village la deuxième nuit, et nous, on veut dormir dans la jungle, elle se plie de mauvaise grâce à la décision de la majorité, Séverin lui porte une partie de sa flotte pour qu’elle ne nous saoule pas, et c’est parti. On commence par un bout de marche harassante, à découvert, sous un soleil de plomb, avec un bon chargement dans le dos, avant d’atteindre la fraîcheur toute relative du couvert de la jungle. Notre Jungle Man est impressionnant : alors que nous, on galère avec notre sac à dos, nos hamacs, et nos six litres d’eau à transporter, il avance en tongs, un sac de 25 kilos sur le dos, sa machette à la main, et une grosse cigarette roulée dans du papier journal au coin de la bouche. Bon clairement, ce début de marche sera la partie la plus dure, parce qu’en trois jours, on ne se sera pas non plus trop fatigué : pas de dénivelé et des sacs à dos qui s’allègent au fur et à mesure… Easy man ! Mais c’est cool, on arrive à notre premier camp où nos guides nous installent nos hamacs pendant qu’on se fait une petite partie de cartes, et nous préparent un magnifique dîner après avoir lavé les légumes dans un trou d’eau stagnante. On se régale quand même, et on s’endort dans nos hamacs de GI américain, sales, mais heureux d’être bercés par les bruits de la jungle.
Notre Polonaise pénible passera sa nuit à se lever pour se mettre près du feu, elle n’a pris aucun vêtement chaud, et alors que nous enchaînons nos douze heures de sommeil, elle passe une nuit atroce à se geler. Le lendemain, elle est donc d’humeur charmante, affirme qu’elle ne passera pas une autre nuit comme ça, et nous saoule donc de grand matin. On s’en fout, on ne lui parle pas vraiment de toute façon. Elle passe son temps à se plaindre, et n’a clairement rien à faire au milieu de la jungle avec nous. Pas grave, on part vers un point du trek super attendu : une cascade où on va pouvoir se baigner et laver par la même occasion nos fringues qui ont changé de couleurs. Puis c’est reparti à la suite de notre Jungle Man, au rythme des commentaires instructifs de notre guide Lina : « Là, c’est un singe gris, mais je ne sais pas son nom. Là, c’est un fruit qui fait de la gelée, mais je ne sais pas son nom. Là, l’animal qui crie comme un tigre, c’est comme une biche, mais c’est pas une biche… » Trop bien ! On va donc repartir avec une connaissance approfondie de la flore et de la faune locale. Nous sommes un peu surpris par le fait que les locaux font brûler des portions de jungle, ce qui d’après notre guide, n’est pas nocif pour la forêt. On a parfois du pénétrer au milieu de cercles de feu, façon rite satanique, pas toujours très rassurés… Notre deuxième campement est encore une fois perdu au milieu de nulle part, notre Monica nous fait déplacer tous les hamacs pour pouvoir être près du feu : communication définitivement coupée, c’est une casse-couilles. On passe notre deuxième soirée allongés tous les trois sur une bâche, la tête vers les étoiles que l’on aperçoit à travers le feuillage, à rigoler comme des gosses, inventant les paroles du nouveau tube de house, succès certain de l’été 2010. La nuit sera encore une fois douce, même si je vis moins bien le réveil au son des cris des guides. Nous regagnons le village de départ dans la matinée, et c’est reparti pour trois heures de moto-crasse, on arrive à Ban Lung couverts de poussière rouge des pieds à la tête, nos sacs à dos et nos fringues vont s’en souvenir longtemps. Nous récupérons notre beau bungalow en bois, revenu à un prix normal, et passons la soirée sur la terrasse du Tree Top, entre internet, coucher de soleil, petites bières et repas avec Séverin, savourant le fait d’avoir retrouvé notre couleur d’origine.
Le lendemain, lever tôt pour prendre le bus pour Kratie, ville au bord du Mekong et à mi-chemin entre Ban Lung et Phnom Penh, ce qui nous permet de couper le trajet infernal en deux. Cette fois, la clim du bus est cassé, il faut pousser au démarrage, et les six heures de trajet seront suffisantes. On arrive à Kratie en début d’après-midi, et décidons de partir faire le truc à touristes du coin : la ballade en bateau pour aller observer les dauphins d’eau douce. On part encore une fois en moto, vers le point de départ des bateaux. En route, le spectacle est saisissant : les bords du Mékong, c’est juste magnifique. On en prend plein les yeux, et les dauphins et le coucher de soleil seront les deux cerises sur le gâteau. Pas de photo à l’appui : comme en Bolivie, ils sortent à peine de l’eau, et c’est super dur d’avoir une image correcte. Le soir, on se fait un repas dans une gargote locale, puis je m’écrase dans mon lit très tôt.
Samedi, nous avons loué une moto pour une ballade à notre rythme sur les bords du Mékong. Je me suis essayée pour la première fois à la conduite de la moto avec vitesses et frein au pied, et ça y’est, je maîtrise ! Nous sommes parties en longeant le fleuve vers le nord. Premier arrêt : un temple situé en haut d’une colline, décoré de peintures bouddhiste cohabitant avec des peintures représentant les pêchés et l’enfer assez terribles. Le deuxième arrêt sera un coin magique, des bouts de terre au milieu du Mékong, entre lesquels sont construits de longs bungalows sur lesquels s’installent des familles cambodgiennes pour déguster les poissons du fleuve vendus un peu plus loin. Juste en dessous, le Mékong s’écoule au milieu des gamins qui jouent. Après un trempage de gambettes dans THE fleuve asiatique, et une séance de photos avec des Cambodgiens, nous continuons notre route vers le nord, jusqu’à un petit village sans aucun attrait particulier. On s’arrête, on décide de faire un tour à pied, et on arrive devant un groupe de maisons sur pilotis. Là, une famille est en train de déjeuner à l’ombre de l’une d’elle, et nous invite à nous joindre à eux. On n’a pas faim, donc on décline, mais il n’est pas question qu’on parte comme ça : il faut s’asseoir, et très rapidement, on se retrouve avec des bières à la main, à trinquer avec le chef de famille et son voisin au rire plus que communicatif, entourées d’une vingtaine de personnes qui n’ont, semble-t-il, pas souvent l’occasion de voir des étrangers de près. Tout le village défile, deux petits jeunes font les interprètes dans un anglais hasardeux, pour le plus grand rire des hommes du village. Je leur offre mes dernières cigarettes, mais pas question que ça se passe comme ça, le voisin envoie son fils m’acheter un paquet neuf qu’il tient absolument à m’offrir. Bientôt, les gamins arrivent avec des téléphones portables, et on a droit à une séance de poses avec les hommes et les petits loulous du village. Beau moment, qui se termine lorsqu’un des petits jeunes nous invite à aller avec lui à son école. Et c’est parti mon kiki à trois sur la moto, derrière notre petit gars fier comme Artaban d’arriver si bien accompagné à l’école. Là, on s’assoit dans la cour, et au bout de trente secondes, c’est l’attroupement autour de nous. Nous sommes entourées d’une nuée de petits gamins en uniforme qui nous dévisagent. Un des élèves qui maîtrise bien l’anglais nous explique que mis à part un Français qui a passé quelques temps dans leur village, nous sommes les premiers étrangers qu’ils voient par ici. On rentre à Kratie après un petit détour par la maison de nos hôtes, histoire de leur apporter deux trois petits cadeaux pour les remercier de leur accueil, avec une grosse banane au milieu du visage, heureuses…
Aujourd’hui, c’était le retour vers Phnom Penh. Et là, après quasiment un mois avec Marie H24, nos routes vont se séparer. Derniers moments ensembles : on s’essaie à une des spécialités locales encore une fois recommandée par mon papa, la mygale grillée. Derniers trucs de filles aussi : séance épilation-manucure-pédicure une fois arrivées à la capitale. Et dernier repas et dernière bière… Demain, Marie repart pour le Vietnam, et je continue ma route vers le sud, de nouveau vers les plages cambodgiennes… C’est la première fois depuis le début du voyage que je reste si longtemps avec quelqu’un : Marie, ça a été plus qu’un plaisir, un gros big up pour toi, en souvenir de tous les bons et parfois moins bons moments partagés, continue bien ton petit bout de chemin, qui je l’espère recroisera le mien sous peu ! T’es la plus forte !!!
Petit moment de dédicaces : je souhaite avec quelques jours de retard un bon anniversaire à mon frère qui approche dangereusement de la trentaine. En espérant que cette étape ait été fêtée en bonne et due forme ! J’ai levé ma bière à ta santé. Je pense aussi bien fort à un de mes collègues qui a mis à profit ses vacances pour se blesser au ski, et grâce à qui les élèves de SEGPA auront tout le loisir de martyriser un pauvre remplaçant à la rentrée… Et enfin, une grosse pensée pour Alan et sa famille également.